Le Jour d'après selon Isabelle Belleza, Nimo Ismail et Caleigh Aviv
- Domitille
- 8 juin 2020
- 5 min de lecture
d'Isabelle Belleza
Sur les réseaux sociaux les gens partageaient récemment leur dernière photo de « vie normale » avant la période de confinement. Par curiosité, j’ai trouvé ma « dernière photo normale », une photo prise en haut de l’Arc de Triomphe après la fin de la sortie culturelle au Cirque Invisible. Sur la photo, la Tour Eiffel scintille, les voitures circulent autour de l’Arc de Triomphe, mais surtout on voit des groupes de personnes qui marchent sur les Champs-Élysées. Je me souviens qu’il était impensable que cette crise ait la capacité de changer définitivement le monde dans la mesure où il a changé aujourd’hui. Néanmoins, deux mois après cette visite nocturne à l’Arc de Triomphe, l’idée d’une époque insouciante de voyages à l’étranger et d’immersion culturelle est surréelle. Je ne sais pas quand d’autres étudiants auront la même occasion de découvrir, d’apprendre, et de comprendre une autre culture de la même manière que nous l’avons fait ce semestre.
Dans le monde après la crise de la pandémie, j’ai peur que notre monde devienne moins globalisé et moins interactif. D’un côté, la diminution du globalisme est économique dans le monde d’aujourd’hui où de nombreux pays commencent à pratiquer le protectionnisme économique, ce qui signifie une baisse des liens entre les différentes économies. On peut s'attendre à une baisse du mondialisme en raison du protectionnisme économique pendant une crise économique, mais la diminution du mondialisme aujourd’hui est inquiétant parce qu’elle est liée à plus que l’économie. Le globalisme fait référence également aux relations et interactions interpersonnelles. J’ai peur que le monde perde les échanges culturels entre les gens de différents pays, comme des semestres à l’étranger ou des voyages qui nous exposent à différents pays et cultures. Cela pourrait être dû à une réticence à voyager pour des raisons sanitaires, ce qui est compréhensible. En revanche, ma peur est que nous perdions nos points de vue sur la valeur des échanges mondiaux et que nous développions de la méfiance envers les autres pays. Nous avons déjà vu la détérioration de la relation entre la Chine et les États-Unis, avec les conséquences du racisme envers les Asiatiques, même s’il existe une différence entre le gouvernement communiste et le peuple chinois. L’Union européenne se sépare des États-Unis, qui accusent l’Europe de la propagation du virus aux États-Unis, même si le gouvernement américain a échoué dans la lutte contre le virus en comparaison avec d’autre pays. Les sentiments de nos gouvernements à l’égard d’autres pays peuvent être suffisamment forts pour influencer nos propres perspectives.
Je suis curieuse, mais aussi inquiète de voir ce qui va se passer après la réduction l’épidémie du virus et le commencement d’un retour à « la vie avant le coronavirus ». Je crois que cette pandémie va changer les affaires étrangères à l’avenir et que nous serons réticents à apprendre ou à découvrir différentes cultures et pays. Quand une croyance est répandue, en particulier par le gouvernement, il est difficile de changer d’avis ou braver de fausses informations. Je m’inquiète que les occasions de vivre des échanges et des expériences culturels, comme les semestres à l’étranger, ne soient pas les mêmes que dans nos anciennes « vies normales ». C’est une chose de limiter les voyages et les échanges entre les gens en raison de la santé et de la nécessité d’empêcher la propagation du virus. C’est autre chose de développer la peur ou la méfiance envers les autres pays et les gens à cause d’une politique qui encourage le nationalisme, le racisme et l’arrogance exacerbés pendant la pandémie.
La pandémie nous a déjà isolés de nos amis et de notre famille, et maintenant nous sommes également isolés du reste du monde. Comment allons-nous construire des relations avec différentes personnes et cultures après la fin de la pandémie ? Les gens discutent déjà de l’espoir d’un meilleur environnement, d’une meilleure hygiène et de la réforme des systèmes de santé. J’espère que nous serons attentifs à l’importance de la reconstruction des relations internationales et des échanges culturels dans le monde d’après, en particulier parce que le jour d’après pourrait être plein de conflits si nous ne nous souvenons pas de l’importance d’un monde interconnecté.
de Nimo Ismail
Le coronavirus restera longtemps dans la conscience du public. Je pense définitivement que les gens vont évoluer rapidement et que la société retrouvera un nouveau sens de la normale. C'est une tendance que nous voyons souvent dans la société car il y a de nouveaux événements surgiront toujours pour capter l'attention du public. Cependant, je crois que COVID-19 persistera plus longtemps car il a prouvé que l'impossible était possible. Les gouvernements, les entreprises, les chaînes d'approvisionnement et les systèmes qui semblaient imparables ont été arrêtés par des ennemis microscopiques. La plupart des gens pensaient que notre réalité actuelle ne pourrait jamais se produire. L'effet du coronavirus a incité les gens à repenser leur façon de voir le monde. Cela a révélé les faiblesses flagrantes de nombreuses institutions et les disparités choquantes entre les communautés. Je ne pense pas que la question est si le monde va changer, c'est simplement combien va changer le monde. Personnellement, cette nouvelle réalité a rendu l'avenir très incertain. Il sera très intéressant de voir comment les universités gèrent le coronavirus. J'espère que ce virus servira de motivation pour apporter les changements nécessaires. Peut-être la douleur causée par la pandémie peut être bénéfique.
de Caleigh Aviv
Cette pandémie m’a appris que l’avenir est imprévisible. Il est impossible de prédire le
monde de demain. Cependant, je ne peux pas m’empêcher de me demander à quoi ressemblera le monde après le chaos terminé. Je m’interroge particulièrement si cette crise va officiellement prendre fin, étant donné les changements durables que ce virus aura sur la société. Ma plus grande crainte réside dans la réponse incertaine à la question suivante : un monde post-coronavirus existera-t-il jamais, étant donné que le monde de demain sera souillé par les rappels mentaux et physiques de la crise actuelle ?
Je m’inquiète de l’ouverture de Brown à l’automne. En général, je suis curieuse de l’avenir
de l’éducation, de l’avenir des interactions sociales, des relations amicales et romantiques, des mesures de santé, du sens de la communauté. Une grande partie de notre vie dépend de nos liens et de nos interactions sociales. Brown est fier des personnes qui composent l’université.
Qu’adviendra-t-il de ces fondements et de ces valeurs quand l’essence de la communauté se trouve aujourd’hui fondamentalement altérée par cette pandémie ? Des changements ont déjà eu lieu dans la vie quotidienne. L’Historien Georges Vigarello décrit le nouveau rapport à l’espace et au temps : « Des pratiques qui étaient d’une banalité absolue et qui renvoyaient à un plaisir évident – se balader, traverser des espaces, choisir tranquillement ses produits préférés dans un supermarché, aller au cinéma – deviennent compliquées, voire dangereuses. »
Dans le monde de demain, je m’attends à une nouvelle appréciation pour tout travailleur
quelle que sa profession. Dominique Méda, professeur de sociologie, parle des travailleurs
essentiels qui ont risqué leur vie pendant la pandémie. Avant le coronavirus, ces personnes
étaient injustement classées comme « travailleurs non qualifiés. » Pourtant, ce groupe des
« aides-soignantes, personnels de nettoyage, auxiliaires de vie, aides à domicile, caissières,
agents de sécurité [et] livreurs » a permis aux sociétés de continuer à fonctionner pendant le
confinement. Ils se sont sacrifiés afin de maintenir un semblant de normalité pour tous les autres.
Selon l’anthropologue David Graeber, cette crise révèle « le caractère absolument nécessaire de ceux-ci, et le scandale que constitue l’actuelle hiérarchie des salaires. »
Par conséquent, je veux voir un monde de demain plus respectueux de l’environnement,
plus sain, plus sûr et plus attentionné. Je souhaite un avenir dans lequel les gens chérissent la communauté et ne tiennent pas pour acquis les petits aspects de la vie, comme manger au restaurant, aller au cinéma ou utiliser les transports publics. J’espère que le monde sera plus aimant et plus attentif car ce virus a montré à la société que la vie est très éphémère.
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